Ma mission de contrôleur photographe au Contrôleur Général des Lieux de privation de Liberté (CGLPL), est une parfaite alliance entre le métier d’Avocat et celui de Photographe car elle me permet de plaider en images. J’entre dans les lieux d’enfermement avec mon appareil photo, animée des mêmes valeurs de défense et de respect de la dignité des personnes que la société invisibilise et anéantit, loin du regard de tous.
La photographie permet de rétablir la clarté dans ces lieux si particuliers où règne souvent un climat de malheur, de désespoir et de solitude. Le contrôle permanent qui y est instauré dépossède de leur image et de leur humanité ceux que l’on ne veut pas voir. Je rétablis une forme d’équilibre en introduisant un autre oeil, qui au delà de montrer, incite à ne pas détourner les yeux. Plutôt que d’adopter un regard strictement documentaire et dénonciateur, je veux ouvrir un espace d’interprétation, de résonance émotionnelle, et de réflexion. Là où la pure photographie documentaire donne parfois une sensation d’impuissance, je propose une approche poétique qui amène un déplacement du regard sans éclipser la réalité brute des situations. Mes images montrent des corps contraints, des gestes d’attente, des signes d’oppression, l’espoir qui se meurt, mais j’invite aussi à contempler ce qui persiste au delà de l’enfermement: les traces laissées, l’oubli, la présence, la résistance… la liberté.
La poésie et la beauté que je recherche dans ces lieux, ne sont pas des échappatoires ou une façon d’édulcorer et d’esthétiser le sordide. J’affronte le réel avec empathie et je tente de créer un dialogue avec ceux qui regardent mes images. Ma démarche a sa cohérence et sa force dans un monde noyé sous les images de guerre et de souffrance. Elle donne une place à l’humanité des personnes enfermées, au delà de leur satut de détenus, de patients ou de retenus.